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chasses et voyages au congo

herbes d’une allure inconnue jusqu’aujourd’hui, sentant qu’après ce dernier safari s’approche le repos et la paye. Il est incroyable de constater ce qu’ils savent encore marcher, les bougres, et ils nous l’avaient soigneusement cachée jouant au malade pour raccourcir les étapes et faire alléger les charges. Tous les jours depuis trois semaines ils nous ont joué la même comédie, mimée avec les mêmes gestes apitoyants, puis à force de prières et de menaces, ils se remettaient en route pour recommencer le même petit jeu un peu plus loin. En ce moment ils ne savent pas, les pauses porteurs, qu’au bout de la route deux blancs les attendent, et que l’homme de police qui m’accompagne, est chargé du message de les reconduire à Rutschuru, tout fatigués qu’ils sont, avec de nouvelles charges et de nouveaux maîtres à servir. Ce sont le Prince et la Princesse Sapieha, des Polonais, qui, faisant le voyage en sens inverse du nôtre, vont prendre pour descendre vers le lac Kivu la caravane qui nous a amenés. À cause d’eux, et pour ne pas faire trop piètre impression, je me suis rasé et brossé et vêtu de kaki frais, lavé au ruisseau dès le matin. Vis-à-vis de la concurrence, il faut se donner les gants d’avoir conquis tous ces beaux trophées qui ornent les têtes de nos porteurs, en se jouant, sans bosses ni déchirures. D’ailleurs on oublie très vite soi-même, après la réussite, toutes les fatigues et les mécomptes par lesquels on a passé.

Partis à 8 heures nous arrivons à 10 heures au rest-house de Kagena où le Sultan Shabane nous dit qu’il y a encore trois heures de marche jusqu’à Kassanga. Nous laissons reposer les hommes et déjeunons nous-mêmes pendant les heures torrides de la journée et vers 2 heures nous nous remettons en route pour franchir cette dernière étape. Le pays a encore changé d’aspect et me rappelle les montagnes italiennes par leurs croupes arrondies et leurs vallonnements moutonneux ; involontairement je pense à Pérouse, à Assise ou à Gubbio et je me crois transporté loin d’Afrique, au centre des montagnes d’Ombrie ou de