Page:Maurois - Les Silences du colonel Bramble (Grasset 1918).djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

grandes lanternes blanches ; autour des feux de bivouac qu’inclinait le vent, des hommes juraient et chantaient.

— La guerre se joue du temps, dit le docteur, elle est éternelle et immuable. Ce camp pourrait être celui de César. Les tommies, autour de leurs feux, parlent de leurs femmes et de leurs dangers, de leurs chaussures et de leurs chevaux, comme des légionnaires de Fabius ou des grognards de la Grande Armée. Et, comme toujours, de l’autre côté de la colline, reposent les barbares Germains près de leurs chariots dételés.

Le bourgogne éloquent des Trois Amis inspirait au docteur ces discours ; il s’arrêta, les pieds dans la boue.

— Cette tente a six mille ans, dit-il ; c’est celle des Bédouins belliqueux qui fondèrent les Empires de Babylone et de Carthage. Une inquiétude d’anciens peuples migrateurs leur inspirait chaque année la nostalgie du désert