Page:Maurois - Les Silences du colonel Bramble (Grasset 1918).djvu/194

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— Je voudrais que vous laissiez Nabuchodonosor tranquille, dit le colonel.

— J’ai très peur des médecins aliénistes, dit le major Parker ; excités, déprimés ou apathiques, nous sommes tous fous, à les entendre.

— Qu’appelez-vous un fou ? dit le docteur. Il est bien certain que je retrouve chez vous, chez le colonel et chez Aurelle tous les phénomènes que j’observe dans les asiles d’aliénés.

— Houugh ! fit le colonel, choqué.

— Mais certainement, sir. Entre Aurelle qui oublie la guerre en lisant Tolstoï et tel de mes vieux amis qui se croit Napoléon ou Mahomet, il y a une différence de degré, mais non de nature. Aurelle se nourrit de romans par un besoin maladif de vivre la vie d’un autre être ; mes malades, à leur destinée misérable, substituent celle d’un grand personnage, dont ils ont lu l’histoire et envié le sort.