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XXII


Le jardin provincial s’endort dans le soir tendre
Un violon d’enfant joue « J’ai du bon tabac »
Les cloches lentement tintent ; l’on peut entendre
Vibrer dans l’air lointain le bruit sourd des combats.

Une étoile s’allume en un ciel qui grisaille
Un arbre aux fins rameaux sur l’occident dessine
Un croquis japonais que la lune termine
Une voix chante ; un chien aboie ; l’ombre tressaille.

La vie semble si douce en ce calme vallon
Que si l’homme n’avait, hélas ! trop de mémoire,
Par un tel soir paisible il pourrait presque croire
Que ce monde menteur est l’œuvre d’un Dieu bon…

Cependant, par delà ces collines flexibles
Et sous ce même ciel au calme décevant,
A quelques lieues d’ici, par ce beau soir paisible
Les portes de l’enfer s’ouvrent pour des vivants.