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Division concrète de la sociologie
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1. Le problème du langage et du symbole (et le problème, plus général et plus crucial, de l’expression) sort tout de suite de la spécialité où le cantonnent les linguistes et les esthéticiens et des généralités où se meuvent les philosophes et quelques psychologues. Ces deux choses essentielles, si intimement liées, connaissances et symboles de tous ordres apparaissent enfin comme elles sont : liées à la totalité des activités du groupe et à la structure même de celui-ci et non pas simplement à telle ou telle catégorie de ces activités. Car il est des symboles et des connaissances en économie comme en religion, comme en droit et non pas simplement comme en mythologie ou en art. Et le totem ou le drapeau symbolisent le groupe.

2. Plus généralement, les études de « mentalité », de « fabrication de l’esprit humain », de « construction et d’édification » de la raison, sont revenues à la mode. C’est elles que Comte avait en vue. Durkheim, Hubert, nous, d’autres et, parmi eux, M. Lévy-Bruhl, M. J. H. Robinson, les ont remises en honneur en termes précis, croyons-nous. Elles peuvent être et doivent être élargies. Au fond, elles supposent la connaissance simultanée de nombreux éléments, dans de nombreuses civilisations. Les données qui doivent entrer en ligne de compte sont esthétiques, techniques, linguistiques et non pas seulement religieuses ou scientifiques. Là aussi ce sont des mélanges qu’il faut déceler et des dosages qu’il faut faire. Et après les avoir fait, il faut rebrasser tout cela, synthétiser en termes encore plus précis. On fera ainsi apparaître le « total » dans l’histoire : l’empirique, l’illogique et le logique du début, le raisonnable et le positif du futur. Tant que les nombres ont eu une valeur mystique et linguistique en plus de leur usage technique et intellectuel ; tant que les maladies ont été quelque chose de moral ou de religieux, des sanctions du péché par exemple, l’arithmétique ou la médecine avaient une autre tournure que celle qu’elles ont prise. Cependant elles existaient. Les premières pages d’Hippocrate marquent merveilleusement la révolution interne qui fit passer, un jour, en Ionie, la médecine à la science. Notre arithmétique elle-même s’est encore développée dans la recherche des carrés magiques et celle des racines mystiques, bien après Pythagore, jusqu’au xviie siècle. Notre pharmacopée du xviie, du xviiie siècle encore, venaient de civilisations qui mêlaient toutes sortes d’observations insolites à leur pathologie, à leur thérapeutique, mais qui avaient de fort sérieuses connais-