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UNE RENCONTRE TRAGIQUE

cèdres plus odorants, les mousses plus veloutées que nulle part ailleurs et il aimait cette grotte, si bien cachée, où il se reposait de ses longues courses dans les bourgs avoisinants.

L’hiver vint et la neige couvrit partout le sol, mais le jeune solitaire ne souffrait ni du froid, ni de la faim ; endurci à la vie nomade, il n’en souhaitait point d’autre. Le soir, enveloppé dans de chaudes peaux de bête, assis devant le feu, ou étendu sur son lit de sapin, il songeait, poursuivi par la hantise inconsciente de son passé… depuis bientôt huit ans, il avait erré ainsi sans but et sans famille… Sur le rideau sombre de sa mémoire atrophiée, seule la figure de son guérisseur se détachait clairement ; il savait que c’était un Visage-Pâle, une Robe-Noire et, obsédé par son idée fixe, le grand manchot au regard vague espérait toujours le revoir ; il ne se rendait pas vraiment compte du passage des années, le temps n’existait pour lui que par le changement des vents glacés aux brises attiédies, de la verdure à la neige… Les animaux, les oiseaux, ses seuls compagnons, devinrent ses amis et il apprit à les bien connaître.

Un jour, il se trouva à passer dans la mission de Saint-Jean, située près de la frontière iroquoise. C’était un village huron assez considérable ; les gens de cette tribu y vivaient paisiblement, se croyant en sécurité à cause du traité de paix conclu l’année précédente avec leur dangereuse voisine.