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les pirates de la mer rouge

« À ton tour, Sidi, me dit-il ; repose en paix, je ferai bonne garde. »

Il avait l’air d’un foudre de guerre. Je me roulai dans mon tapis, essayant de dormir, mais je n’y parvins point. Je récitai d’un bout à l’autre la table de Pythagore ; aucun résultat. J’eus recours à un moyen ordinairement infaillible : je fermai les yeux, et tournant la pupille en haut, j’essayai de ne penser à rien.

Je m’endormais, lorsqu’un bruit léger me fit tressauter. Je repoussai les couvertures, dont ma tête se trouvait entourée. Je vis Halef attentif, et regardant comme moi dans la direction du mouvement.

On n’entendit plus rien. Je rentrai sous mes tapis. Aussitôt le bruit recommença, mais plus léger encore.

« Entends-tu, Halef ? murmurai-je.

— Oui, Sidi. Qu’est-ce que cela peut-être ?

— Je ne sais. Écoute ! »

Un clapotement presque imperceptible se fit entendre à l’arrière du sambouk. Il n’y avait plus de feu sur la rive.

« Garde nos effets, dis-je bas à Halef, je vais voir. »

Je m’avançai à pas de loup. Les Turcs gardiens du trésor étaient à leur poste ; mais deux d’entre eux dormaient étendus tout de leur long ; le troisième, accroupi, en faisait autant. Comme je supposais qu’on m’observait de la cabine, je posai mes armes contre le bordage du vaisseau ; je me débarrassai de mon turban et de mon burnous, dont la couleur blanche eût pu me trahir, puis je me traînai à quatre pattes le long du sambouk jusqu’à l’arrière.

Là une véritable échelle de poules conduisait au gouvernail. Je descendis comme un chat, et j’atteignis l’endroit d’où partait le bruit. Le mystère fut vite éclairci. Le petit canot des passagers avait été, comme on le sait, attaché à l’extrémité du sambouk.

Il se trouvait maintenant rapproché de la cabine d’arrière et pouvait communiquer avec la lucarne de cette cabine. J’épiai en retenant mon souffle, et je vis distinctement une corde tendue, communiquant de la lucarne au canot. Le long de cette corde descendait un objet dont je n’aurais pu dire la forme, mais qui produisit le son d’un corps assez lourd en touchant les planches du petit bateau. Sur cette nacelle se tenaient trois hommes qui reçurent l’objet avec précaution et attendirent, puis un second paquet prit la même voie.