Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
152
les pirates de la mer rouge


d’avance persuadés de ma défaite et de la supériorité de leur chef.

Abou Seïf se précipita sur moi d’une façon si prompte, si farouche, si déréglée, que je ne pus prendre position. Je parai sa quarte irrégulière et cherchai l’endroit qu’il découvrait ; mais, à mon grand étonnement, il passa sous ma lame avec un air superbe, et fit une feinte qui ne lui réussit pas. Je me fendis aussitôt et j’espadonnai ; mon coup porta, quoique mon intention ne fût point de blesser mon adversaire.

Abou Seïf, aveuglé par la colère, recula, dessina une quarte dans son mouvement. Je m’avançai alors d’un pas et rentrai en ligne avec vigueur. Son arme, lui échappant des mains, sauta dans la mer par-dessus le bord.

Un cri de surprise retentit parmi les matelots.

Le capitaine s’était approché de moi ; il restait immobile de stupeur.

« Abou Seïf, tu es un brave et habile combattant, » lui dis-je.

Il ne se fâcha point ; il semblait réfléchir.

« Homme, tu as vaincu Abou Seïf, et pourtant tu es un infidèle ! murmura-t-il.

— Tu m’as rendu la victoire facile, capitaine ; ta manière de combattre n’est ni réfléchie ni savante. Tu le vois, au second coup je t’ai tiré du sang, au troisième j’aurais pu te tuer. Mais voici ton sabre, je suis entre tes mains.

— Oui, tu es en mon pouvoir ; cependant c’est à toi de décider de ton sort. Si tu fais ce que je te demande, tu seras libre.

— Comment l’entends-tu ?

— Apprends-moi l’escrime.

— Volontiers.

— Tu m’enseigneras les règles du combat, comme on les enseigne aux Nemsi ?

— Oui.

— Et tu consentiras à te tenir caché tout le temps que tu demeureras sur mon vaisseau ?

— Oui.

— Tu quitteras le pont au premier signe, tu ne te mêleras point de ce qui arrivera, si nous rencontrons d’autres bâtiments ?

— Je te le promets.

— Bien ! Engage-toi aussi à ne pas échanger un seul mot avec ton serviteur.