Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/237

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droite, puis, comme pour l’empêcher de verser ses trésors aux sables arides et inutiles du désert, les deux rives nubiennes se haussent et s’étrécissent. Afin d’accélérer sa marche et d’éviter une évaporation trop prompte sous le ciel embrasé des tropiques, son lit, qui, jusque-là, n’avait qu’une pente très faible, descend par six gradins vers la Méditerranée.

Enfin le Hapi franchit la porte d’Éléphantine et entre dans la vallée des inondations, bande étroite découpée dans le désert sans bornes par deux rangées de collines granitiques et calcaires qui s’écartent tantôt et tantôt se rapprochent pour élargir ou restreindre l’amplitude des débordements fertilisants. Le mur oriental ou arabique le serre cependant de plus près, pour qu’à la fin de sa longue et glorieuse carrière, le Nil ne détourne pas ses flots vers la mer Rouge, ce qui eût été fatal pour l’Égypte et pour l’histoire du monde entier[1].

Le fleuve est enfin créé, mais pas encore l’Égypte, le verdoyant berceau de la civilisation occidentale. Tel que nous l’avons suivi depuis sa sortie du grand lac Kéréoué-Nyanza, le Nil serait toujours l’un des premiers entre les géants fluviaux de l’ancien et du nouveau monde, mais il n’aurait pas le caractère

  1. Albuquerque avait demandé au roi de Portugal des ouvriers pour creuser un canal qui relierait le Mareb, affluent de l’Atbara, à Barka, pour faire dévier le Nil vers la mer Rouge ; plus récemment, Théodoros d’Abyssinie eut le même projet, dans l’idée de se venger du khédive en affamant son peuple. (Beke, Sources of the Nile.)