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LA CIVILISATION ET LE GRANDS FLEUVES

La civilisation gangétique a-t-elle été plus précoce que son émule occidentale ? On ne saurait l’affirmer ; dans tous les cas, les riches vallées des bords du Gange et de ses grands affluents ont dû atteindre de bonne heure un degré supérieur de culture et de raffinement. Le Pandjab est resté jusqu’à ce jour pauvre en grosses villes, tandis que, dès la plus haute antiquité, on voit surgir dans l’Aryavarta oriental les opulentes cités d’Indraprachta, de Pratichtana, d’Ayodhia, de Varanasi ; Hastinapoura, devenue capitale de l’empire pandjabien de Magadha, avait été, d’après la tradition, fondée par un roi des Bharata.

Donc, à l’aurore des temps historiques, une différence, une seule, mais capitale, entre l’Égypte et l’Inde : sur les bords du Nil règne un seul absolu pharaonique ; dans l’Hindoustan, nous en voyons deux, luttant l’un contre l’autre avec des chances presque égales à première vue. Car, malgré sa supériorité de sol et de climat, le bassin djamno-gangétique a aussi ses désavantages. Enclavé, au nord, dans la région nauséabonde des teraï, il est envahi, à l’est, par les miasmes meurtriers qui soufflent des domaines de la terrible Kali ; les serpents les plus venimeux se coulent sous ses herbes luxuriantes[1] ; le tigre royal hante ses jongles ; les tribus sauvages

  1. Le cobra (Naja tripudians), le Daboia Russellii. Jos. Fayrer évalue à 200 000 le nombre des victimes connues des serpents dans la décade de 1871 à 1880. L’année 1880 seulement nous donne le chiffre officiel de 18 610 morts.