Page:Meilhac et Halévy - Théâtre, II.djvu/25

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BOISGOMMEUX, avec expression Bleu de ciel!...

HENRIETTE. Mais, au moment de sonner, je me suis arrêtée...

BOISGOMMEUX. Pourquoi, puisque le plus fort était fait?

HENRIETTE. Vous trouvez ça, vous?... Je suis restée là, appuyée contre le mur... me demandant où j'étais et pourquoi j'y étais... (Mouvement du vicomte). En ce moment... j'ai entendu dire que pareille chose arrivait aux gens qui sont en train de se noyer... en ce moment, ma vie entière s'est déroulée devant mes yeux!... Mon enfance heureuse et libre dans les grandes allées du parc, le couvent, mon entrée dans le monde, mes premiers triomphes de jeune fille... tant d'espérances, tant de rêves, tant d'aspirations !... Tout cela pour arriver à quoi? A me trouver là, au troisième étage d'une maison obscure... J'ai entendu du bruit... C'était un marmiton qui montait l'escalier... il portait un vol-au-vent sur sa tête... il m'a demandé : « C'est-y pas ici madame Margotin?... » J'ai répondu : « Je ne sais pas! » Le marmiton a continué de monter, il a passé près de moi... il m'a regardée, il a regardé le cordon de sonnette... Alors, je n'y ai plus tenu, je me suis enfuie, j'ai sauté dans mon fiacre et je suis rentrée chez moi, jurant bien que de ma vie je ne recommencerais pareille aventure et que, puisque c'était là ce qui s'appelle avoir un amant... jamais je n'aurais d'amant!

BOISGOMMEUX. Comment, jamais !...

HENRIETTE. Oh! non, jamais, jamais, jamais!