Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/32

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-ko- du slave, -ka- de l’indo-iranien, c’est le suffixe arménien -k’o- –քո– de mots tels que barwok‘ բարւոք « bon » en face de bari բարի (cf. gr. φέριστος « excellent »). — Le p indo-européen a dû aussi devenir ph, mais, aucun des p‘ de l’arménien ne représente i.-e. p ; l’occlusive labiale sourde est en effet sujette à perdre son caractère occlusif : en arabe où le t et le k du sémitique sont maintenus, le p du sémitique commun est devenu la spirante f, et en celtique, où t et k subsistent, p est devenu h qui a disparu ; à l’initiale, devant voyelle, l’i.-e. *p, devenu *ph, a abouti à arm. h ; ce changement a été facilité par le fait que les aspirées ont une occlusion plus faible que les non aspirées correspondantes : hur հուր « feu » répond ainsi à gr. πῦρ, ombrien pir, v. h. a. fiur ; comme le h arménien est faible, il arrive qu’il disparaisse : c’est la règle devant o ո, ainsi c’est otn ոան » pied » qui répond à gr. πόδα (nom. πούς), tandis que le mot de même famille het հետ « trace de pas », cf. skr. padám « trace de pas », gr. πέδον « sol », conserve h : en regard de lit. pilu « je verse », l’arménien a hełum հեղում « je verse » ; dans la même famille de mots, ołołem ոգոգեմ « je déborde » n’a pas d’h ; devant i, au lieu de h on trouve une fois y յ déjà peut être en voie de prendre la prononciation h à laquelle il a abouti au moyen âge : yisun յիսուն « cinquante » (de *hingisun), cf. gr. πεντήκοντα, skr. pañcāçát-, à côté de hing հինգ « cinq », cf. gr. πέντε, skr. páñca. — Enfin, pour la palatale, on pourrait attendre un c aspiré, mais ç ց qui est le c aspiré de l’arménien classique ne représente jamais la palatale sourde ancienne et c’est s ս qui, en toutes conditions, est l’aboutissement de cette palatale, ainsi à l’initiale saṙn սառն « glace », cf. lit. šarnà, v. isl. hjarn « neige solidifiée », skr. çíçiraḥ « froid », et à l’intérieur du mot, tasn տասն « dix », cf. skr. dáça, gr. δέκα, lat. decem ; comme le traitement h de p, la substitution de s au c aspiré attendu s’explique par la faiblesse caractéristique de l’occlusion des aspirées. (Osthoff, Etymologische Parerga I, 232 et suiv. a proposé une ingénieuse explication du š շ de šun շուն « chien » en regard de gr. κύων, véd. çuvá) — La mi-occlusive č̣ չ ne représente jamais la gutturale altérée devant voyelle palatale, car seule l’aspirée sonore s’est altérée en arménien devant e et i ; le traitement normal k‘ ք apparaît devant e, ainsi dans k‘erem քերեմ « je gratte, j’écorche », cf. gr. κείρω), v. h. a. sceran « couper, tondre ». — De ce qui précède,