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il résulte que seules les deux aspirées t‘ թ et k‘ ք représentent, dans une partie des cas, les occlusives indo-européennes correspondantes t et k ; les trois autres sourdes aspirées p’ փ, ç (c‘) g et č̣ (č‘) չ ont toujours d’autres origines.

11. — La faiblesse du mouvement de pression dans les aspirées a eu pour conséquence des altérations complexes et variées ; elles ont atteint plus ou moins toutes les occlusives de cette série, sauf la palatale qui est constamment représentée par s.

Après les nasales et les liquides, l’aspirée est remplacée par l’occlusive sonore correspondante :


hing հինգ « cinq », cf. skr. pânca, gr. πέντε, lit. penkì.

argel արգել « empêchement », cf. gr. ἀρκέω, lat. arceō.

dr-and գրանգ « devant de porte », cf. lat. antae, skr. ā́tāḥ.

ard արդ « arrangement » (gén. ardu արգու), cf. gr. ἀρτύς· σύνταξις Hesychius, lat. artus, skr. r̥túḥ « saison ».

t’mbrim թմբրիմ « je suis dans la stupeur », cf. lat. stupeō, gr. τύππω « je frappe ».


On voit par hing (de *hinge avec e conservé dans le composé hnge-tasan հնգետասան « quinze ») et par argel que, même en passant à g գ, le représentant arménien de k ne subit pas la même mouillure en ǰ ջ que le g գ issu de la sonore aspirée.

À l’intérieur du mot, entre voyelles, le *ph issu de i.-e. *p (qui doit être bien distingué du p‘ փ attesté) perd son occlusion comme à l’initiale, mais conserve son point d’articulation et devient sonore sous l’influence des voyelles précédente et suivante, d’où w ւ (v վ) : ew եւ. « et, aussi », cf. skr. ápi « aussi, ensuite », gr. ἐπί « ensuite » ; t‘at‘awem թաթաւեմ « je plonge », cf. v. sl. topiti « enfoncer » (dans un liquide) ; hoviw հովիւ, « berger » *owi-pā (cf. skr. avi-pāla-, gopā- etc.) ; cf. le traitement, de i.-e. bh intervocalique, § 8.

Entre voyelle et consonne, le p‘ փ de l’arménien classique devient w ւ, ainsi dans le redoublement de t‘ap‘em թափեմ « je jette, je verse », soit t‘awt‘ap‘em թաւթափեմ « j’enlève en secouant » de *t‘ap‘t‘ap‘em. La même altération atteint f, dans les mots empruntés à l’iranien, d’où par exemple tawt‘ տաւթ « chaleur », cf. persan tajt ; devant r le résultat est wh et, comme hr se renverse en