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քունս ; à skr. ṛtúṣu, *(z-)ardu et non (z)ards զ–արդս, etc. C’est dans les types athématiques dont le thème est terminé par une nasale, par une liquide ou par une occlusive que la confusion de l’accusatif et du locatif peut s’expliquer ; -s subsistait après nasale ou liquide, et sans doute après certaines occlusives ; dans des locatifs comme anjin-s անձին–ս « personnes », asteł-s ասաեղ–u « astres », dur-s դուր–ս « portes » (avec restitution de -s- au lieu du -š- attendu, v. § 15, cf. skr. dur-ṣu), ot-s ոտ–u « pied » (cf. skr. pat-sú), la conservation de s s’explique ; la confusion de l’accusatif et du locatif s’est réalisée par suite d’actions analogiques sur le détail desquelles on ne peut faire que des hypothèses ; et c’est par analogie de ces types de mots qu’a dû se constituer l’usage du locatif pluriel en -s –u dans les types vocaliques.

36. — L’instrumental singulier et l’instrumental pluriel, distingués seulement par le -k’ –ք du pluriel, s’expliquent immédiatement par le rapprochement avec les formes grecques en φι(ν) (-phi(n)) ont à la fois les valeurs d’instrumental, de datif et d’ablatif pour le singulier et pour le pluriel, et avec l’instrumental pluriel du sanskrit en -bhiḥ, de l’avestique en -bīš : -o-v –ո–վ de k’now քնով répond à homér. -ο-φι (-o-phi) ; -a-w ա–ւ de amaw ամաւ à hom. -η-φι (-ê-phi) (ancien -ᾱ-φι (-ā-phi)) cf. skr. -ā-bhiḥ ; -i-w –ի–ւ de srtiw սրտիւ à homér. ι-φι (i-phi) (par exemple ϝιφι (wiphi) « fortement » ), cf. skr. -i-bhiḥ ; -u –ու (c’est-à-dire -u-w) de zardu զարդու à homér. *υ-φι (*u-phi), cf. skr. -u-bhiḥ. Une trace du -i final de la désinence est conservé, grâce à l’addition de l’enclitique -k‘ –ք (ancien *ke, cf. skr. ca, gr. τε (te)), dans iwi-k‘ իւիք « de quelque manière », en regard de iw իւ « comment ». — On notera deux circonstances : 1. L’arménien a l’instrumental en *-bh-, comme l’indo-iranien, le grec, l’italique et le celtique et non en *-m-, comme le slave, le baltique et le germanique (ainsi v. sl. -mĭ au singulier, -mi au pluriel). – 2. Les désinences en *-bh- ne subsistent en arménien qu’avec l’unique valeur d’instrumental, tandis que leur valeur indo-européenne était multiple.

37. — Les finales -oç –ոց, -aç –աց, -iç –ից, -uç –ուց de génitif-datif-ablatif pluriel ont, après la voyelle caractéristique de chaque type, un –ց qui se retrouve dans les autres types de déclinaison. Comme ce –ց n’alterne pas avec une sonore après liquide ou nasale, ainsi anjan-ç անձանց « des personnes ».