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n’en pouvait fournir qu’un avec ce substantif. Les dénominatifs ont reçu pourtant par la suite un second thème, à l’imitation des verbes primaires ; le grec a τιμῶ, ἐτίμησα (timô, etimêsa) de τιμή (timê) et de même l’arménien a hawatam հաւատամ « je crois », aoriste hawataçi հաւատացի « j’ai cru » de hawatk‘ հաւատք « foi ».

Les deux thèmes essentiels du verbe arménien sont un thème de présent indiquant l’action qui dure sans terme défini, et un thème d’aoriste indiquant l’action arrivant à un terme. — Le parfait indo-européen a disparu, comme d’ailleurs toutes les formes à redoublement ; et rien n’est plus naturel : du jour où la racine a cessé d’être l’élément fondamental des verbes, le redoublement de l’initiale n’avait plus de sens : sur le modèle de μεμένη-ϰα (memenê-ka), le grec a pu faire τετίμηϰα (tetimêka) du dénominatif τιμῶ (timô), mais une pareille formation était transitoire et le grec moderne ne connaît plus de parfait. Mais si l’arménien a perdu la forme ancienne du parfait, il s’en est recréé un par des moyens périphrastiques.

Le thème de présent fournit : 1° l’indicatif présent, ainsi lk‘anem լքանեմ « je laisse » (valant λείπω (leipô)) ; — 2° l’imparfait (prétérit exprimant l’action qui dure) : lk‘anei լքանեի « je laissais » (valant ἔλειπον (eleipon)) ; — 3° l’impératif prohibitif : mi lk‘aner մի լքաներ « ne laisse pas » (μὴ λεῖπε (mê leipe)) ; — 4° le subjonctif présent : lk‘aniçem լքանիցեմ ; — 5° l’infinitif : lk‘anel լքանել « laisser ».

Le thème d’aoriste fournit : 1° l’indicatif aoriste (exprimant l’action menée à son terme), ainsi lk‘i լքի « j’ai laissé » (valant ἔλιπον (elipon)) ; — 2° l’impératif : lik‘ լիք « laisse » ; — 3° le subjonctif aoriste (servant souvent de futur) : lk‘iç լքից « que je laisse, je laisserai » ; — 4° ordinairement le participe passé : lk‘eal լքեալ « ayant laissé » (v. § 84).

1. Thèmes de présents.

74. — L’arménien a quatre types de présents caractérisés par les voyelles e ե, i ի, a ա et u ու ; chacun des types comporte une forme sans nasale et une forme à nasale ; exemples : 1° e ե, sans nasale : berem e բերեմ « je porte » (aor. beri բերի) ; avec nasale : lk’anem լքանեմ « je laisse » (aor. lk’i լքի). — 2° i ի, sans nasale : berim բերիմ « je suis porté » (aor. beray բերայ) ; avec nasale : lk’anim լքանիմ « je suis laissé » (aor. lk‘ay լքայ). —