Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/121

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1re pers. plur. — Aux désinences telles que skr. -maḥ, dorien -μες (mes), lat. -mus, etc. l’arménien peut répondre par -mk‘ –մք (§ 26) ; ainsi la 1re personne du pluriel n’est distinguée de la 1re personne du singulier que par le -k‘ –ք qui caractérise certaines formes du pluriel (v. § 34) ; on a lnumk‘ լնումք « nous emplissons » (cf. le type dorien ζεύγνυμες (zeugnumes)) en face de lnum լնում « j’emplis ».

2me pers. plur. — Le -y- de berēk բերէք « vous portez », layk‘ լայք « vous pleurez », etc. rappelle skr. bháratha, gr. φέρε-τε (phere-te), v. sl. bere-te « vous portez », etc. ; on n’a aucun moyen de déterminer si les formes arméniennes reposent sur i.-e. *-the ou sur i.-e. *-te ; sur le -k‘ , voir § 26 ; arm. -yk‘ –յք répondrait donc à lat. -tis.

b) Impératif.

88. — L’arménien a deux impératifs : l’un de l’aoriste, servant à donner des ordres positifs, l’autre du présent, toujours prohibitif et accompagné de mi մի՛ qui répond à skr. , gr. μή () ; la 2me personne du singulier de l’impératif aoriste actif répond à des formes du grec et du sanskrit, ainsi :

ber բեր « porte » = skr. bhára, gr. φέρε (phere).

lik‘ լիք « laisse » = gr. λίπε (lipe).

harç հարց « demande » = skr. pṛcchá.

L’impératif présent a une finale -r –ր ajoutée à la voyelle caractéristique du type, ainsi : mi berer մի բերեր « ne porte pas », mi lk‘aner մի լքաներ « ne laisse pas », mi lnur մի լնուր « n’emplis pas », etc. ; l’élément -r –ր ne peut être ici qu’une particule, issue d’une forme *-r plus voyelle, apparentée à gr. ῥα (rha), lit. ir̃, ce qui a permis la conservation de la voyelle ; ainsi berer բերեր serait *bhere-r(e) [e représentant une voyelle quelconque], lnur լնուր *plēnu-r(e), cf. le type gr. ζεύγνῡ, etc. L’addition de particules à l’impératif n’a rien de surprenant ; l’impératif lituanien comprend de même une particule -ki, ainsi eĩ-ki « va ».

La 2me personne du pluriel de l’impératif a la même forme qu’une 2me personne du pluriel de présent ou d’aoriste : berēk‘ բերէք « portez », mi berēk’ մի՛ բերէք « ne portez pas » ; lk’ēk’ լքէք « laissez », mi lk‘anêk‘ մի՛ լքանէք « ne laissez pas », etc. En effet berēk* բերէք répond à skr. bhárata, gr. φέρετε (pherete) « portez », lk‘ēk‘ լքէք à gr. λίπετε (lipete) « laissez », etc., abstraction faite du -k‘ –ք.