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accentuée ou inaccentuée : a dans ban բան « parole », génit. bani բանի ; e dans aruest արուեստ « art », génit. aruesti արուեստի ; o dans gorc գործ « œuvre », génit. gorcoy գործոյ ; ay dans orogayt‘ որոգայթ « rayon », génit. orogayt‘i որոգայթի ; aw dans zawr զաւր « force », génit. zawru զաւրու ; iw dans diwr գիւր « facile », génit. diwri գիւրի. L’exception que semble présenter la flexion de Astuac Աստուած « Dieu », génit. Astucoy Աստուծոյ, est purement apparente : en effet ce mot est toujours écrit en abrégé dans les plus anciens manuscrits ; mais le pluriel astuacoc̣ աստուածոց « des dieux », constamment écrit en toutes lettres, indique que l’abréviation ՟ածոյ doit être lue astuacoy ; astucoy n’est pas de l’ancien arménien ; c’est simplement une lecture du moyen âge, c’est-à-dire d’un temps où a intérieur était tombé.

Les mots monosyllabiques accessoires de la phrase présentent des altérations particulières qui échappent aux règles ordinaires ; ainsi la négation oč̣ ոչ a aussi la forme č̣ չ, par exemple dans č̣ē չէ « il n’est pas ».

Il n’est pas inutile de rappeler ici que, en arménien comme dans les autres langues, tous les mots ne sont pas également accentués ; les prépositions par exemple se groupent avec le mot suivant dans la prononciation et de là vient qu’elles n’ont pour la plupart pas de voyelle propre en arménien : ənd ընդ, əst ընտ, ç ց, z զ (on notera que ə ը n’est qu’une voyelle accessoire et n’existe pas en syllabe accentuée) ; les formes monosyllabiques du verbe « être » se groupent souvent avec le mot précédent et ne sont pas accentuées en ce cas : gełəc̣ík ē գեղեցիկ է « il est beau » ; dans óč̣ inč̣ ոչ ինչ « rien », c’est oč̣ ոչ qui est accentué ; inč̣ ինչ est alors inaccentué ; mi մի « un » employé comme article indéfini n’est pas accentué : márd mi մարդ մի « un homme » ; ainsi s’explique la prononciation մը de l’arménien moderne occidental.

On ne saurait déterminer si l’accent qui a si gravement altéré l’aspect des mots en arménien doit être considéré comme une transformation du ton (accent de hauteur n’intéressant pas le rythme) indo-européen ou comme une innovation indépendante. Dans le premier cas, on devrait admettre que le ton aurait perdu en arménien sa mobilité et se serait fixé sur la pénultième ; en tout cas l’arménien ne présente soit directement soit indirectement aucune trace du ton indo-