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հարիւր « quatre cents » où il se trouve en syllabe intérieure, est devenu à l’état isolé č̣ork‘ չորք ; le -k‘ –ք issu de -*s final se comporte donc autrement que la particule enclitique -k‘ –ք de iwi-k‘ իւի–ք « en quelque manière », où s’est maintenu le -i –ի final de l’instrumental, en regard de iw իւ « comment ». Devant le -k‘ –ք du pluriel, le traitement est celui de la finale absolue : à la 2e personne du pluriel, un ancien *hełuy-k‘ « vous versez » perd son y comme *hełuy « il verse », d’où hełuk‘ հեղուք comme hełu hեղու, tandis que, au contraire, devant -r –ր final de *hełuyr « il versait », uy donne oy ոյ : hełoyr hեղոյր. — D’autre part -k‘ –ք figure dans les deux noms de nombre dont la flexion est celle du pluriel dès l’indo-européen : erek‘ երեք « trois » et çork‘ չորք « quatre », mais non dans le nom de nombre, aussi fléchi, qui était au duel : erku երկու « deux ». – Toutes ces particularités auxquelles il faut joindre les règles d’accord (v. § 104 et suiv.) déterminent dans une certaine mesure le problème de l’origine du signe du pluriel arménien -k‘ –ք ; la difficulté est que la représentation de -*s final par -k‘ –ք n’est pas constante.

Les nominatifs des thèmes en -i- et en -u- : sirtk‘ սիրտք « cœurs », zardk‘ զարդք « ornements » ne répondent pas aux nominatifs en *-eyes, *-ewes attestés par skr. {{lang|sa-Latn|-ayaḥ, -avaḥ, v. sl. ĭje, -ove, gr. -ε(y)ες (-e(y)es) (att. -εις (-eis)), -ε(ϝ)ες (-e(w)es) (att. -εις (-eis)) ; car on aurait alors des finales : *-e-k‘ (cf. erek‘ երեք « trois » en face de skr. tráyaḥ, v. sl. trĭje, att. τρεῖς (treis)), *-ew-k‘. Les formes arméniennes admettent plusieurs explications entre lesquelles on ne fera ici aucun choix et sur lesquelles il est par suite inutile d’insister.

35. — Les anciennes finales *-o-ns, *-ā-ns (avec restitution de -ns comme en grec ; car l’indo-européen n’avait que -s), *-i-ns, *-u-ns se réduisaient phonétiquement à -s –ս en arménien (v. § 26) ; de là k‘un-s քուն–u, am-s ամ–ս, sirt-s սիրտ-ս, zard-s ղարտ–ս, de *swopnons, *s°māns, *k‘erdins, *rtuns. — La valeur de locatif des mêmes formes est plus malaisée à expliquer ; en effet la désinence *-su attestée par l’indo-iranien, le slave et le baltique (cf. -σι (-si)) suit une voyelle dans les originaux indo-européens des formes arméniennes ; -s- était donc intervocalique et devait tomber ; d’autre part, l’élément prédésinentiel devait subsister : à skr. svápneṣu devrait répondre *k‘(u)nē et non k‘uns