Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est dieu, et ne pouvoir pas même être homme ! Recéler une parcelle de cette flamme dont brillent les grands phares qui éclairent l’humanité, et n’être pas capable d’être une lanterne vénitienne gaie et changeante à l’œil ! Ils en arrivent, désespérant de se maintenir dans les hauteurs, à vouloir descendre ; puisqu’ils ne peuvent pas être admirés, ils se contenteraient d’être tolérés. « Je ne planerai pas, soit ! et bien, je ramperai. » Pas du tout ! Il faut qu’ils demeurent sans relâche entre le ciel et la terre, sans s’élancer définitivement dans l’un, ou prendre pied sur l’autre. Ni Shakespeare, ni compilateur aux gages d’un libraire. De telle sorte que, souvent, ils passeront, c’est leur loi, entre la miséricorde des véritables grands hommes dont ils sont trop éloignés, et l’indifférence de la foule dont ils ne sont pas assez rapprochés.

Et cependant nous les envions, ces magnifiques incomplets, parce qu’il y a en eux, en dépit des chutes et des avortements, une sublimité réelle quoique fugace, et l’aurea mediocritas des artistes excellents ne vaut pas, non ne vaut pas, leurs cruelles et belles alternatives de misère et d’opulence !