Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/145

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entra un matin Je pris un air très grave et presque magistral. Je dus lui sembler d’autant plus ridicule qu’il avait, je pense, trois ou quatre années de plus que moi. Mais quoi, n’étais-je pas, malgré mon menton imberbe et mes cheveux d’enfant, — nous les avons bien expiés, ces cheveux-là ! — n’étais-je point un Directeur de Revue, tandis que le visiteur n’était en somme qu’un jeune poète venant apporter des vers au recueil que je dirigeais ? Ah ! qu’on était gamin ! Le souvenir de ces enfantillages-là aujourd’hui nous amuse.

Mais Sully Prudhomme m’étonna.

Doux, calme, grave, vêtu avec une correction qui, pour un observateur subtil, aurait pu être le pronostic déjà du futur habit à palmes vertes, il parlait d’une voix lente, lointainement sonore, comme si on l’eût entendue d’une chambre voisine, ne faisait guère de mouvements ; — seulement des gestes de politesse, qui saluent, tendent la main un peu, ne se rétractent pas mais se restreignent ; — n’était pas timide, mais modéré, mais paisible, avait dans toute son attitude comme un ennui d’être vu, comme une recherche de solitude, et dans sa parole parlée presque