Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/161

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c’était justement i franc le vers, payé à rebours. Hélas ! oui, grâce au Roman d’une nuit, — à l’âge ingénu où il est si doux d’aller voir se baigner sous les branches les hamadryades de Meudon, — j’ai passé un mois dans la morne prison de Sainte-Pélagie, sous la surveillance hargneuse d’un guichetier appelé Vert-de-gris, en compagnie de cochers maraudeurs, de marchands de vin qui avaient mis de l’eau dans leur lait, de marchands de lait qui avaient mis de l’eau dans leur vin, et de jeunes voleurs de souliers. L’un de ceux-ci, je m’en souviens, mangeait de la chandelle avec passion, avait soixante-quatre dents, — une dent derrière l’autre, — et s’appelait, chose extraordinaire, Ratier. Un pseudonyme ou un nom réel, je l’ignore, mais il s’appelait ainsi ! Je me suis souvent demandé ce qu’avait pu devenir mon jeune et hideux compagnon de captivité. Je lui en ai longtemps voulu parce que ce gredin adolescent m’avait dérobé dans ma pistole un mouchoir de batiste dont les initiales brodées étaient mon unique et chère consolation. Pendant que je faisais mon chemin à ma façon, — il est des vocations diverses, — Ratier a persévéré, j’imagine, dans