Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/186

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absolument inattendu, — le luxe de la lingerie ! Nos nappes, nos serviettes, nos draps, les taies d’oreiller où nous rêvions à des vers, étaient de la plus fine toile de Hollande, garnie de dentelles quelquefois, souvent brodée de soie et d’or. Longtemps nous nous demandâmes en vain d’où pouvait provenir une somptuosité aussi imprévue ! On apprit enfin que le patron de l’hôtel occupait je ne sais quel emploi à la lingerie du Palais de Napoléon III, et il réalisait une notable économie en nous faisant coucher dans les draps impériaux.

Ce fut en somme une époque de lourde tristesse. Sans être bien vieux encore, nous n’étions plus les enfants de tout à l’heure et en conservant l’enthousiasme pour l’idéal nous étions bien forcés d’admettre les réalités de la vie. Ah ! les tristes soirs, — les petites bottines aimées oubliaient quelquefois le chemin de l’escalier, — les tristes soirs, avant les lendemains plus tristes ! Dans l’une des merveilleuses études qu’il intitule Lettres chimériques, Théodore de Banville disait l’autre jour de l’un de nous qu’il avait toujours été presque riche, qu’il avait toujours vendu au poids de l’or les pierreries de