Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/239

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aux rimeurs d’élégies ou aux rimailleurs de couplets, aux pleurards et aux rieurs, où il suffisait de faire un sonnet pour être un imbécile et de faire une opérette pour être une espèce de grand homme ; à cette époque-là c’était un beau spectacle que celui de ces quelques jeunes hommes épris de l’art vrai, acharnés à l’idéal, pauvres pour la plupart et dédaigneux de devenir riches, qui confessaient imperturbablement et quoi qu’il dût en arriver leur foi de poètes, et qui se groupaient, avec une religion qui n’a jamais exclu la liberté de pensée, autour d’un maître vénéré, pauvre comme eux !

Une autre erreur serait de croire que nos réunions littéraires fussent des séances dogmatiques et moroses. Leconte de Lisle étant de ceux qui prétendent dérober surtout à la louange leur personnalité intime, ma causerie ici manquera d’anecdotes : il en doit être ainsi. Je ne dirai pas les souriantes douceurs d’une familiarité dont nous étions si fiers, les cordialités de camarade qu’avait pour nous le grand poète, ni les bavardages au coin du feu, — car on était très sérieux, mais on était très gai, — ni toute la belle humeur presque enfantine de