Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/253

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Ce fut un lieu assez étrange pendant un temps que la petite boutique du passage Choiseul, bientôt passage Lemerre. Ce n’était pas encore le grand magasin d’aujourd’hui où viennent des académiciens et des romanciers illustres, où on voit le buste de Leconte de Lisle et le buste de François Coppée. Une toute petite boutique, presque une échoppe, avec un entresol très bas où l’on montait par un escalier, qui tourne. Juste assez de livres pour être une librairie, et juste assez de place pour la visite quotidienne des poètes.

Car nous y venions tous les jours, avec fierté. Songez donc ! À vingt ans, nous, pauvres diables de rimeurs, qu’aucun éditeur alors n’eût accueillis, nous qui n’osions pas passer devant la boutique de Michel Lévy de peur qu’à la seule vue de nos chevelures extravagantes, les commis de la librairie ne surgissent au seuil de la porte en brandissant des balais plus formidables que le glaive de l’archange, nous à qui la maison Hachette apparaissait dans un rêve comme un paradis chimérique où ne sont admis que les dieux, nous, Parnassiens, nous avions un libraire à nous, tout à fait à nous ! Notre