Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/258

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Au premier rang, — puisque j’ai déjà nommé François Coppée et Sully Prudhomme, — doit être placé Léon Dierx.

Je le dis, avec la conviction d’émettre une vérité qui paraîtra évidente à l’avenir, Léon Dierx, dont l’œuvre considérable reste presque ignorée de la foule, dont le talent n’est estimé à sa juste valeur que par les artistes et les lettrés, Léon Dierx est véritablement un des plus purs et des plus nobles esprits de la fin du dix-neuvième siècle. Je ne crois pas qu’il ait jamais existé un homme plus intimement, plus essentiellement poète que lui. La poésie est la fonction naturelle de son âme, et les vers sont la seule langue possible de sa pensée. Il vit dans la rêverie éternelle de la beauté et de l’amour. Les réalités basses sont autour de lui comme des choses qu’il ne voit pas, ou, s’il les aperçoit, ce n’est que de très haut, très vagues, très confuses, et dépouillées par l’éloignement de leurs tristes laideurs. Au contraire tout ce qui est beau, tout ce qui est tendre et fier, la mélancolie hautaine des vaincus, la candeur des vierges, la sérénité des héros, et aussi la douceur infinie des paysages forestiers traversés de lune et des