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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/112

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MÉPHISTOPHÉLA

dans l’arrivée, en de grandes voitures, des meubles qui meubleraient le second étage de la maison Luberti, jusqu’alors inoccupé, dans le bruit des tapissiers clouant des tentures, dans le bavardage des couturières venues de Paris pour les toilettes de noces, l’idée du mariage à tout instant la hanta ; évidente, précise, inévitable. Et puisqu’elle avait dit oui, il était trop tard pour dire non ; une telle injure au baron Jean, à cet honnête et loyal camarade, c’était impossible, aussi impossible que de résister à toute la poussée, autour d’elle, des volontés, des exhortations, des choses préparées et comme impatientes. Elle ne dégagerait pas sa parole, elle se marierait, certainement, — prochainement ! et elle s’alarmait, l’œil fixe tout à coup, en un frisson qui la laissait immobile et glacée.

À présent, elle refusait de sortir, voulait rester seule, se tenait dans sa chambre la plus grande partie de la journée ; et la nuit, après la lampe éteinte, elle ne dormait pas, le coude dans l’oreiller, le front sur le poing, regardant droit devant elle, quoi donc ? elle ne savait pas, rien, l’ombre ; et, comme entre deux mâchoires d’étau, elle se sentait prise entre ces deux convictions, entre ces deux certitudes, qu’elle ne pouvait pas ne pas épouser le baron Jean et qu’elle ne pouvait