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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/115

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MÉPHISTOPHÉLA

sentait la piqûre d’une aiguille de glace. Si occupé qu’il fût de son bonheur prochain, le baron ne put s’empêcher de remarquer les froideurs, les pâleurs, avec des yeux effarés, de sa fiancée devenue en peu de jours si différente d’elle-même ; il pensa qu’elle était malade ; il serait peut-être bien de remettre le mariage ; il consentirait à attendre une ou deux semaines de plus. Mais Mme Luberti insista avec une grande vivacité pour qu’il n’y eût aucun ajournement. C’est très fréquent et très naturel, ces peurs de jeune fille, sur le point d’un aussi grand changement dans la vie. Si on les écoutait, ces gamines, on ne les marierait jamais ! La mère de Sophie avait peut-être quelque raison, qu’elle n’avouait pas, de précipiter les noces. Et il fut fait selon sa volonté. Le mariage eut lieu à la date fixée.

Ce fut avant midi, un clair jour d’automne ; le soleil, à travers les vitraux, illuminait l’église ; pendant que, sa pâleur excusée par la blanche transparence du voile, et refoulant en un effort de volonté dont elle ne se serait pas crue capable le râle d’angoisse qui lui montait à la gorge, Sophie, à travers les invités, un peu vite, avec une hâte d’abréger un supplice que tant d’autres supplices, hélas ! devaient suivre, marchait vers le