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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/133

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MÉPHISTOPHÉLA

hors de l’hymen, un cri lui partit de la poitrine, un cri suivi de sanglots, comme l’épargne jaillit d’un sac crevé ; et, brusquement, sans savoir vers où, elle se mit à courir, ses cheveux et ses manches agités derrière elle ; elle ne s’arrêtait pas, même essoufflée, elle fuyait blanche et blême, sous la lune çà et là entre la pluie, et à chaque instant, sans ralentir sa course, elle mettait ses deux mains au bas de son ventre, où elle sentait comme une lourdeur la honte douloureuse de la plaie nuptiale.

Voilà donc ce que c’était, le mariage ! voilà ce que c’était, un mari ! un homme en chemise, avec une rudesse de peau et de poils, tombe sur une jeune fille, s’étend sur elle, l’étouffe, la déchire, et, s’il a dit entre deux syncopes : « Je t’adore, » il pense qu’il a payé en amour les dégoûts de la vierge. Il est comme l’acheteur d’un champ qui, enfonçant dans le sol le fer de la charrue, attendrait les remerciements de la terre labourée ; et cela enfante, cette terre !

Sophie, le long des maisons, s’en allait ; la pluie, elle en voulait bien ; cette eau du ciel la lavait de l’étreinte maritale, lui ôtait de la poitrine, du ventre, des cuisses, la chaleur de l’accouplement ; il lui semblait qu’elle était délivrée, par l’ondée, d’une peau sur sa peau, même de sa