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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/139

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MÉPHISTOPHÉLA

Au moment d’entrer dans le vestibule de sa maison — obscur de ténèbres opaques, — une terreur la saisit. Si le baron Jean ne dormait plus ! s’il apparaissait tout à coup sur l’escalier, une lampe à la main, lui, le mari, en chemise, nu peut-être, énorme ! s’il s’élançait sur elle, l’enlevait, l’emportait, la recouchait sous l’exécrable viol conjugal, la touchant partout avec ses grosses mains où il y avait des poils, lui couvrant toute la bouche d’un baiser très large, qui souffle ? Elle fut sur le point de s’enfuir de nouveau. Mais non, personne, l’ombre, le silence. Elle entra, tâtonna, descendit dans le jardin, suivit très vite l’allée qui conduisait d’une maison à l’autre. Selon l’habitude, la porte du perron n’était pas close. Sophie n’eut qu’à pousser le battant de verre ; elle fit quelques pas, sans bruit, rencontra de la main un bouton de cuivre, et avec la furtivité lente d’un chat qui se glisse par un entre-bâillement pénétra dans la chambre d’Emmeline. D’abord elle ne distingua rien, à cause de tous les rideaux fermés et de la veilleuse presque morte. Mais, parfum et murmure d’haleine, il y avait dans cette chambre de jeune fille une odeur de fleur avec un petit bruit d’abeille.

— Si je l’éveillais ?

Oh ! non, Emmeline serait si surprise, aurait