Aller au contenu

Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
156
MÉPHISTOPHÉLA

petite maison de bois posée au bord de l’eau, il y avait ce langoureux ensommeillement qui monte, parmi la brume terrestre, des dernières fleurs automnales où soupire un parfum d’adieu, et cette paix mystérieuse qui descend de l’azur assombri. Heure, demeure, bien faites pour être préférées par les cœurs blessés, saignant encore de la cruauté des anciennes amours ; moment, logis, qui avaient de quoi plaire aussi à de jeunes âmes aimantes, heureuses d’aimer ; car même les premières tendresses s’accommodent de se prolonger en des mélancolies, et il n’est point de tendre bonheur sans un peu de tristesse. Un dernier jet de rayons, dans un déchirement de nuée, éclaboussa le balcon de la maisonnette, et, tout baigné des rougeurs solaires, le délicieux couple apparut, les lèvres proches, sous l’enveloppement des cheveux défaits qui ne faisaient qu’une seule chevelure d’or pâle et d’or sombre mêlés.

Il y avait plusieurs jours déjà que Sophie avait conduit Emmeline dans cette solitude, l’y tenait, l’y gardait.

En la rage dont l’exalta la flagellation devant son amie, elle ne songea plus à mourir. La honte du châtiment lui conseilla un amour, un orgueil du péché dont on l’avait voulu punir, qu’elle com-