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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/170

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MÉPHISTOPHÉLA

Sophie n’hésita pas un instant ; elle donna tout l’argent qu’on voulut ; quelques heures après, elles étaient installées au bord de l’eau, dans une jolie maison de bois, que défendait des tumultueux dimanches un rideau de grands arbres ; et pendant qu’Emmeline répétait : « Ah ! mon Dieu, ah ! mon Dieu ! qu’est-ce que cela veut dire, tout cela, et que pensera maman ? » Sophie se réjouissait d’être seule avec Emmeline, si loin de tout le monde. Quant au propriétaire, il crut que ces deux petites dames, gentilles du reste, voulaient loger là pour recevoir des messieurs de Paris ; et c’était une chance de louer cette maison, parce que, vraiment, l’île, pendant la semaine, surtout en automne, n’était pas drôle : il restait des trois ans sans louer sa bicoque. Ce qui acheva de le ravir, c’est qu’il fut prié d’envoyer, de son auberge, le déjeuner et le dîner de ses locataires. Tout à fait une bonne aubaine. Certainement il leur demanda leurs noms, qu’il nota au crayon sur une marge de journal, dans l’intention de les transcrire sur le registre de l’hôtel. Mais, rentré, il ne retrouva pas le morceau de papier ; que diable en avait-il fait ? enfin, n’importe, puisqu’elles avaient payé d’avance.

Seules, maintenant.

Emmeline, pendant les premières heures de cet