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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/175

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MÉPHISTOPHÉLA

huit ans, était une petite fille bien qu’elle fût une épouvantable femme, avait, avec toute la monstruosité déjà, toute la grâce encore ; les plus vénéneuses plantes, au printemps, fleurissent comme les églantiers.

Après les déjeuners, revenues de la guinguette ou évadées de la maison, elles s’en allaient dans quelque coin de l’île, sous la plus lointaine ombre du grand bouquet d’arbres. On eût dit que l’automne, à cause de ces enfants, se faisait printanier. Autour d’elles il y avait partout des fleurs, partout des oiseaux. La rousseur des feuilles prêtes à choir ne savait ce qu’elle disait, puisque des boutons d’or cliquetaient encore sous un glissement de brise, puisque les fauvettes à tête noire, gamines buissonnières, babillaient de ramille en ramille. Les deux amies s’asseyaient dans l’herbe plus rare, mais tiède et verte çà et là ; elles jouaient à des jeux, comme on fait dans les cours des couvents. La main-chaude, c’était très amusant. Y peut-on jouer quand on n’est que deux fillettes ? oui bien, voici comment : il ne s’agit point de nommer la personne de qui la main vous a touchée, — ça, ce serait trop facile, — mais de deviner avec quoi, bout d’un ruban, ou touffe de feuilles, ou l’ongle du petit doigt, ou la pointe d’une boucle de cheveux, elle