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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/190

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MÉPHISTOPHÉLA

quoi bon ? quel danger courait Emmeline ? est-ce que, tous les jours, des personnes, à la campagne, en passant, n’observent pas avec curiosité les demeures closes ? oui, sans doute. Ce fut plus lentement qu’elle acheva de descendre l’escalier. Mais en entrant dans la salle à manger, elle vit son amie, inclinée entre deux volets, qui regardait au dehors.

— Emmeline !

Elle s’élança, la prit par la taille, l’emporta vers un coin de la pièce, la coucha dans le grand fauteuil ; et, tandis que l’autre la considérait, toute surprise, elle aurait voulu lui faire des reproches, la forcer à demander pardon. Quels reproches ? Pardon, de quoi ? « Voyons, est-ce que je suis folle ? » Eh bien, oui, folle ; parce qu’Emmeline avait voulu sortir, parce que des femmes l’avaient épiée, parce qu’elle avait regardé entre les volets. À cause de l’orage aussi, peut-être. N’importe, folle. Et d’une fureur qu’elle n’avait jamais eue encore, comme si, l’ayant perdue, elle eût retrouvé son amie, elle lui mit ses mains derrière le cou, l’attira vers elle, et la baisa violemment sur la bouche. C’était la première fois qu’elle la baisait sur la bouche. Parfois, naguère, ses lèvres effleurèrent ces lèvres en un frôlement qui laisse le regret d’un parfum. Mais maintenant