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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/195

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MÉPHISTOPHÉLA

divin anéantissement. Oui, puisqu’Emmeline était là, puisqu’Emmeline ne résistait pas, puisqu’Emmeline s’abandonnait, il fallait que Sophie récompensât d’une excessive délice, cette présence, cette passivité, ce sacrifice. Ce fut horrible : elle pensa que les hommes seuls peut-être sont capables de donner aux jeunes filles les définitives ivresses ! Mais non, non, les hommes sont les tortionnaires de qui l’assaillement renverse, déchire, effondre. Ce n’est pas à eux que les vierges peuvent devoir le sourire des amoureuses gratitudes. Et pourtant, elle avait près d’elle son amie : et ni les baisers, ni les morsures, ni les souffles sur les duvets du bras et du cou, ne réussissaient à faire vibrer, jusqu’à la délicieuse rupture, la corde, pourtant tendue à rompre, du désir ; ils ne faisaient qu’accroître, que rendre plus difficiles à satisfaire les exigences de la nubilité. Emmeline, les dents serrées, — elle entendait grincer les dents d’Emmeline ! — palpitait éperdument, mais elle ne défaillait point, et, toujours, en dépit des lentes étreintes ou des enlacements furieux, elle avait l’air d’attendre. Alors, Sophie comprit qu’elle ne savait pas ! Voilà, elle ne savait pas. L’espérance qu’Emmeline avait avouée par l’acceptation des lèvres sur les lèvres, qu’elle avouait par sa nu-