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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/202

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MÉPHISTOPHÉLA

le papier entre les doigts. « Ah ! » Il y eut dans ce cri, presque pareil à un râle, tout l’horrible besoin de savoir la vérité dont on mourra ! Et elle déchira l’enveloppe. Oui, l’écriture d’Emmeline, une écriture fine et longue, nulle, pareille à celle de toutes les demoiselles qui ont eu des institutrices anglaises. Emmeline ne s’excusait pas de son départ ; avec des mots sans tendresse, en des phrases correctes comme celles des jeunes filles qui ont fait beaucoup d’analyses grammaticales, elle disait qu’elle croyait nécessaire de retourner à Fontainebleau, que sa mère et son frère devaient être inquiets ; elle avouait qu’elle avait bien peur d’être mal reçue, d’être grondée ; elle avait peur aussi de voyager toute seule ; mais elle monterait dans le wagon des dames. Et elle conseillait à Sophie de ne pas s’obstiner dans sa révolte, qui avait quelque chose de trop excentrique. « Jean n’a pas été gentil avec toi, c’est vrai. Mais peut-être tu avais des torts toi-même. » Elle pensait bien que Sophie reviendrait à de meilleurs sentiments, qu’elle retournerait chez elle. Quand on est mariée, il faut vivre avec son mari ; comme, quand on est demoiselle, il faut rester auprès de sa mère. D’ailleurs tout s’arrangerait. « Dépêche-toi de venir. » Et elle l’embrassait de tout son cœur.