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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/210

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MÉPHISTOPHÉLA

la prairie, celles dont avait parlé le garçon d’auberge. De loin, le bateau, avec leurs robes de toutes les couleurs et leurs grands chapeaux de verdure et de roses, ressemblait à une charretée de fleurs qui glisserait sur l’eau ; et il venait de leur groupe un bruit de jacasseries et des ritournelles de chansons. Par instants, à cause d’un coup de soleil, dix ombrelles s’ouvraient brusquement, se heurtaient, couvraient tout le bateau de rondeurs grises, bleues, rouges, et de dessous s’échappaient des folâtreries ; il y avait en l’air des mouvements de bras qui voulaient éloigner les ombrelles, qui rencontraient d’autres bras, et comme, par les écartements, s’élançaient des voix vives, on eût dit que c’était la chair des bras, hors des manches rebroussées, qui chantait et riait.

Le passeur revint. Sophie dit tout de suite :

— Vous avez vu ?…

Elle n’eut pas la peine d’achever.

— Oui, oui, dit l’homme (un vieux, très malin, qui en a entendu de belles, ne s’étonne plus, indifférent et goguenard), votre petite amie ? elle m’a hélé de grand matin, je n’étais pas encore levé. Si vous courez après elle, il faut vous dépêcher, elle a pris le train de huit heures pour Fontainebleau.