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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/221

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MÉPHISTOPHÉLA

que ça ne tire pas à conséquence, avec eux. Eux-mêmes, à présent, ils le savent aussi. Et ils sont devenus très gentils, pas exigeants, raisonnables ; pourvu qu’on les amuse, ils ne demandent pas qu’on s’amuse. On n’a plus besoin de s’esquinter à faire semblant. Moi, ça me dégoûterait de mentir ; je n’aime pas à tromper. Mais ils n’ont plus envie qu’on les trompe. Aussi, être jalouse d’un homme, plus souvent ! D’une femme, je ne dis pas, c’est autre chose. Tenez, quand j’étais avec la grande Amédine, on me dit un jour : « Tu sais, ton amie, elle te dit qu’elle va tous les matins chez un baron, aux Champs-Élysées, avec qui elle déjeune. Eh bien ! son baron, c’est une chanteuse de la Gaîté-Rochechouart, Léo, celle qui s’habille en homme pour chanter, et qui a un lorgnon dans l’œil. » Je n’ai fait ni une ni deux. Je me suis postée devant la maison de Léo, et, quand Amédine est sortie, je lui ai flanqué une volée ! Elle en porte encore les marques.

Sophie se rencognait, appuyait plus fort son front contre la vitre dans un instinct d’être moins près de la voix qui parlait ; il lui semblait que cette voix l’enveloppait d’une salissure. Elle aurait voulu s’écrier : « Mais enfin, je ne vous connais pas, taisez-vous, laissez-moi tranquille. » Elle n’osait pas, et elle se sentait pleine de dégoût, à cause