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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/294

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MÉPHISTOPHÉLA

villes de province, tout le monde se connaît, il ne lui avait pas été difficile de trouver la maison de Mlle Emmeline ; elle disait mademoiselle, exprès. « Oh ! je n’avais pas, tu penses bien, l’intention d’entrer dans cette maison-là. Je ne peux pas, moi, être reçue chez des bourgeois, chez des nobles ; mais, causer avec des voisins, avec des voisines, faire jaser les domestiques qui sortent pour aller au marché, ça, n’est-ce pas, je le pouvais, sans être inconvenante ? » C’était ce qu’elle avait fait. Ah ! bien, la marchande de tabac, trois portes plus loin, ne demande pas mieux que de dire ce qu’elle sait ; et ça n’avait pas été long de tout apprendre.

— Eh bien ! ce qu’on t’a dit, le diras-tu enfin ?

— Ah ! ma pauvre Sophor, ma pauvre Sophor ! Quelques jours après le retour de Mlle Emmeline, ton mari est parti avec sa sœur et avec sa maman, et ils n’ont pas dit où ils allaient, et on ignore ce qu’ils sont devenus. Même les domestiques de Mme Luberti pensent qu’ils ne reviendront jamais, parce que le baron Jean, comme on l’appelle, a fait venir, la veille du départ, un notaire, et il a signé des actes pour que tu puisses, toi, sa femme, diriger tes affaires, disposer de ta fortune, comme s’il était mort, lui.

Sophor murmurait, les yeux mouillés :