Aller au contenu

Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/296

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
286
MÉPHISTOPHÉLA

corps délicat, — comme elle l’avait été elle-même, — par la brutalité du mâle ! Défaillante de pitié, Sophor tomba dans un fauteuil. Puis, tout à coup, elle devint horriblement pâle. Elle pensait — ceci, c’était plus affreux qu’Emmeline suppliciée, — elle pensait que sa chérie, dans le lit conjugal, était peut-être heureuse. Elle aimait, peut-être, les caresses déchirantes et l’oppressante étreinte. Les joies que Sophie n’avait pas su lui donner, que maintenant elle n’aurait pas osé lui donner, Emmeline les acceptait, les voulait d’un homme ; elle était ravie et charmée et mourante d’extase entre les bras de l’époux, comme Magalo entre les bras de Sophor ! Oh ! cette idée était intolérable, la lacérait, la dévorait ! Elle se tourna vers Magalo. Elle cria, dans une haine enragée :

— Qu’est-ce que tu fais là, toi ? que veux-tu ? va-t’en. La cause de tout, c’est toi. Tu feras bien de sortir, de ne jamais revenir, j’ai envie de te tuer. Si tu ne m’avais pas parlé, dans le wagon, si tu ne m’avais pas grisée avec ta parfumerie qui sent mauvais, je serais retournée à Fontainebleau. Est-ce que j’aurais pu vivre sans Emmeline, si je ne t’avais pas eue, toi ? je te déteste, parce que tu m’as consolée. Oui, je serais revenue chez moi, pour la revoir. Ma mère ?