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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/315

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MÉPHISTOPHÉLA

gnon mannequin était vêtu de batiste et de malines, coiffé d’un bonnet à ruches, elle le levait des deux bras vers le plafond, tournait par la chambre en un rythme de valse, et, les lèvres riantes à la figure de cire : « Allons, Rodolphe, fais risette ! » De tout cela, Sophor ne voyait rien, ou feignait de ne rien voir. À ses terreurs continues, une peur nouvelle se mêlait, les aggravant. Elle avait entendu dire, elle avait lu que de tous les sentiments humains l’amour maternel est le plus intense, le plus inéluctable. Une femme peut détester l’enfantement, maudire son sein fécond, mais, son enfant, dès qu’il est né, elle le chérit avec passion, ne le veut plus quitter, l’arrache à tous comme un morceau de soi qu’on reprend. Sophor se demandait, en un frisson, si elle éprouverait cet instinctif amour. À son horreur de la maternité physique se joignait l’appréhension de la maternité morale. Elle appartenait, elle voulait appartenir, si entièrement, si absolument, au tyrannique et délicieux Désir, qu’elle envisageait avec épouvante la possibilité d’un sentiment qui l’en eût délivrée. Elle redoutait cette diversion : aimer son enfant ; à chaque sursaut de son ventre, elle avait peur, en une attentive observation de soi-même, d’entendre y répondre un battement de son cœur. Et le temps s’écoulait. Maintenant une