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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/320

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MÉPHISTOPHÉLA

l’avait vue tailler des bavettes, coudre des langes, être une femme pareille à celles qui s’accommodent des hommes, une petite maman ; puis, tout ce qui avait avoisiné la défaite de son orgueil, choses ou êtres, lui était insupportable. Son horreur d’avoir été mère lui rendait horrible ce qui fut autour d’elle quand elle le devenait. Jeune, riche, libre, elle voulait une vie sans passé ; quelle vie ? celle où elle fut, de tout temps, destinée ; hors des liens d’hier, elle s’épanouirait en l’entier développement de soi-même.

Les premiers jours, Magalo fut aussi malheureuse que possible. Tant de rêves brisés ! Tant de joies qu’elle n’aurait plus ! Elle regardait, sur les meubles, des pièces de la layette, éparses, car la nourrice n’avait pas pu tout emporter ; elle considérait le lit où Sophor ne coucherait plus ; et elle pleurait, à grands sanglots, l’abandonnée. Cela ne suffisait pas à la consoler que son amie eût laissé des billets de banque dans le coffret où on mettait l’argent ; la belle affaire d’avoir des cents et des mille ! elle pleurait encore. Ah ! ça, elle ne se corrigerait donc jamais ? elle serait toujours dupe, s’attacherait toujours à des personnes qui n’ont pas de cœur ? Ce n’était pas la première fois qu’il lui arrivait d’être laissée. Léo l’avait lâchée aussi, et d’autres, avant