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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/324

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MÉPHISTOPHÉLA

familles, les artistes les plus illustres. Ce qui rendit incomparable sa renommée mondaine, ce fut, dans le vaste jardin d’hiver qui entourait sa demeure, une fête, musique, danses, enchantement de lumière et de fleurs ; la robe de deuil quittée pour la première fois, elle apparut en un pompeux costume antique, de pourpre et d’or ; portant, en guise de sceptre, la lyre ; et, le front couronné de feuilles de laurier faites de diamants, elle ressemblait, impérieuse et comme inspirée, à quelque royale Sapho. Sa beauté, singulière, presque brutale, avec des cheveux roux et bruns, pareils à des touffes de flamme sombre, avec des yeux d’épervier en un cerne mourant de bistre, avec l’audace des lèvres trop rouges, n’aurait pas été sans lui valoir de sournoises inimitiés parmi les jolies personnes inquiètes d’être surpassées, si, à cette beauté, une irréprochable vertu n’avait servi d’excuse. Beaucoup d’hommes, parmi les plus nobles ou les plus fameux, la voulurent ; quelques-uns l’aimèrent : un surtout, M. de Ligneris, qui, pour elle, refusa d’épouser la très riche héritière d’un membre de la chambre des Communes ; et quand il fut bien avéré qu’elle éconduisait les adroits ou passionnés prétendants avec une gracieuse et ferme austérité, qu’elle entendait rester fidèle