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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/328

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MÉPHISTOPHÉLA

À peine plus grande qu’une fillette de douze ans, svelte et vibrante, toute en nerfs, pas maigre pourtant, Marfa Petrowna, avec ses petits yeux d’or, clignant très vite, et son nez retroussé, et son rire impertinent sous le duvet roux de sa lèvre, — presque une moustache — avait l’air d’un jeune garçon toujours prêt à chercher querelle. À Saint-Pétersbourg où elle était restée jusqu’à la fin de son troisième mari, — car, à trente ans, elle était, veuve pour la troisième fois, ses maris durant peu, — elle avait émerveillé, effaré aussi la cour et la ville de sa gaminerie endiablée qui ne se tenait jamais en repos. Elle avait, au rez-de-chaussée de son palais, une salle d’armes où, tout de cuir habillée et la cigarette à la bouche, elle faisait assaut avec les officiers d’une caserne voisine, qu’elle boutonnait très joliment, et qu’ensuite elle gardait à déjeuner pour les consoler de leurs défaites, et pour les griser. Elle raffolait des gens qui extravaguent après le champagne, et, quand elle était grise elle-même, elle adorait qu’on lui manquât de respect ; jusqu’à un certain point seulement ! Qu’un bras lui serrât la taille, ou qu’un souffle lui mît de la chaleur dans l’oreille, elle le voulait bien ; cela ne tire pas à conséquence ; mais on eût couru grand risque à hasarder davantage,