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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/332

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MÉPHISTOPHÉLA

La première fois qu’elle rencontra la baronne d’Hermelinge, — ce fut à un thé de cinq heures, chez Mme de Ligneris — elle s’écria : « Tiens ! » et la dévisagea longuement. Sophor, avec une égale insistance, l’observait. Aucune douceur en cet échange de regards, échange de défis, qui ressemblait à un engagement d’épées. Ce fut comme un commencement de haine, mais d’étrange haine, où il entrait plus de querelle que d’inimitié véritable, et qui impliquait surtout l’impossibilité, quoi qu’il arrivât, de l’indifférence entre ces deux femmes. Après cet acharnement de leurs regards croisés, elles baissèrent les yeux toutes les deux, en même temps : et elles étaient essoufflées, comme d’une lutte. Puis, quoiqu’on les eût présentées l’une à l’autre, elles feignirent de ne plus se voir parmi le va-et-vient des visites, ne causèrent pas ensemble dans les bavardages du thé ; évidemment, elles n’avaient aucune envie de lier connaissance. Il est vrai qu’elles sortirent ensemble et descendirent ensemble l’escalier, mais sans proférer une parole, sans s’avertir, d’un coup d’œil, de leurs présences ; et, avec l’air de deux femmes qui ne se sont jamais rencontrées, elles se dirigèrent vers leurs voitures, s’arrêtèrent, Mme d’Hermelinge devant son coupé, la princesse Leïlef devant