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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/342

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MÉPHISTOPHÉLA

de paraître extraordinaire, d’étonner, maniérée jusqu’en ses sauvageries, de qui peut-être les colères même étaient faites exprès, n’affectait pas la concupiscence virile, — comme on s’habille en homme, — pour la fanfaronne gloriole d’une excentricité ? De sorte que la baronne Sophor d’Hermelinge subit sans chagrin la réprobation qui l’écartait de la société mondaine ; chassée, elle eut l’impression d’être libérée ; et la loyale audace de son désir exigeait de franches amours.

Le jour de l’ouverture du Salon, il y eut comme une émeute d’étonnements devant le tableau exposé par Mlle Silvie Elven. Sous l’or éparpillé du soleil, verdi d’avoir traversé les feuillées, un jeune faune éperdûment, enlaçait une très délicate et frêle hamadryade ; mêlée de chairs éprises dans les hautes herbes où s’accrochaient les cheveux de la nymphe ; il semblait que l’amant étouffeur ne lâcherait pas, même morte, sa proie. Un sujet banal, en somme, où se résignent volontiers les peintres mythologiques dénués d’imagination. Mais une magnifique ardeur de rut singularisait cette étreinte sous les arbres ; les corps presque nus, où la chaleur du jour séchait et brûlait la sueur, vivaient d’une vie intense, excessive, moins et plus qu’humaine ; c’était un baiser bestial et divin. Cependant