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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/353

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MÉPHISTOPHÉLA

Luce-Lucy, étourdie au point qu’un soir elle assistait dans une avant-scène de rez-de-chaussée à la représentation d’une pièce où elle avait oublié d’aller jouer son rôle, et, tout à coup, la réplique entendue, lança de la salle sa tirade ! et Germaine Triézin qui revenait du théâtre Michel, avec tous les diamants qu’on peut avoir, pas vertueuse, disant : « Si j’avais donné un cheveu à chacun de mes amants, sûrement je serais chauve ! » et, avec celles-ci, dix encore, les jolies et les élégantes de la scène, qui avaient, l’une après l’autre, parfois plusieurs ensemble, servi de modèles à Silvie Elven. Très souvent venait aussi, — plus belle que toutes en la jeune splendeur de sa chair et de ses lourds cheveux blonds débordant par touffes la capote, — Céphise Ador, cette admirable comédienne, la seule amoureuse vraiment passionnée des théâtres d’alors. Et ces Parisiennes, la robe traînante sur les peaux de bêtes, ou couchées sur des chaises longues, les manteaux tombés, les éventails palpitants, mêlaient dans l’atelier des couleurs, des rires, des parfums ; l’air était plein de l’invisible buée qui sort des étoffes imprégnées de chair. La baronne Sophor, — non sans quelque crainte d’un regard de Silvie, — contemplait, écoutait, aspirait ; elle absorbait en soi seule toute cette féminilité éparse.