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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/356

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MÉPHISTOPHÉLA

quiétait de cela pourtant. C’était peut-être les opiniâtretés voraces de son désir qui anémiaient la délicate créature. Elle avait quelquefois l’alarme de ne pas la voir renaître des torpeurs où elle l’avait plongée. Mais le soin de Silvie, lassée, un peu malade, ne la pouvait pas longtemps retenir ; elle cédait à la poussée de son destin vers tant d’autres femmes ; elle s’éprit furieusement de Céphise Ador, la plus belle, et qui se refusait.

Céphise était une créature bien portante, l’esprit et les sens simples ; elle adorait un jeune homme ardent, robuste, au cœur franc, aux nerfs solides ; ils étaient superbes à voir, cette belle fille et ce beau garçon, contents l’un de l’autre, en leur sain bonheur ; dès le premier souffle dont Mme d’Hermelinge, dans une avant-scène, penchée, lui caressa le cou, l’honnête amoureuse pouffa de rire et, tournée vers son amant qui se tenait au fond de la loge, elle lui mit les bras au cou en jetant cette parole : « Ma maîtresse, la voilà ! » Mais Sophor la voulait et l’aurait. Elle ne priait pas, ne s’humiliait pas, n’essayait pas d’attendrir, — se gardait aussi des audaces qui lui auraient valu des rebuffades définitives. Sans humilités ni témérités, elle était auprès de Céphise le plus souvent possible, lui