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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/368

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MÉPHISTOPHÉLA

pour boire du champagne à présent, elle n’avait que ce moyen : tendre la bouche sous les croisées des restaurants ; comme une bête, la gueule en l’air, laperait la pluie. Ah ! mon Dieu ! ah ! mon Dieu ! Mais au fond, ça lui était bien égal de ne plus être à la mode, d’être une espèce de guenipe des rues, de souper dans les brasseries de Montmartre, quand on lui offrait à souper. Son vrai, son seul désespoir, c’était que Sophor ne lui avait pas répondu.

Jamais elle ne l’avait oubliée. Est-ce qu’on peut ne plus songer à quelqu’un qui a été si bon, et si méchant ? Oh ! certainement, la vie est la vie ; il faut bien s’inquiéter de ses affaires ; pour payer son terme, pour ne pas mourir de faim, il faut se laisser toucher, embrasser, pendant des heures ; ça occupe, les hommes. N’importe, l’idée de Sophor toujours lui revenait, et, très souvent, surtout quand elle avait des ennuis, il lui prenait comme une rage de la revoir, de la revoir tout de suite. Elle se jetait dans une voiture, donnait l’adresse de la baronne d’Hermelinge, — tout le monde la savait, cette adresse, — et elle se disait : « Je me ferai annoncer, comme une visite. Elle n’aura pas la méchanceté de me mettre à la porte ; je lui parlerai, avec un air très comme il faut, tout à fait convenable, tant que le domestique sera là,