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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/378

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MÉPHISTOPHÉLA

la peau. Ainsi, pas même un banc pour être triste un peu plus à l’aise ! Elle s’arrêtait quelquefois dans l’encoignure d’une porte cochère, le dos entre la pierre et le bois. Immobile, elle sentait encore plus le froid ; elle eut, de la nuque au bas des reins, un frémissement comme si un flocon lui avait fondu dans le cou ; elle se mit à courir, en claquant des dents. Elle s’essouffla très vite, à cause de son pied qui la tirait, et de sa robe, tout imbue d’eau, très lourde ; elle vit le moment où, de fatigue, elle tomberait sur le trottoir. La peur d’être ramassée par les agents, conduite au poste, envoyée au Dépôt, lui rendit quelque force ; elle irait à l’hôtel de l’avenue de Clichy, puisqu’elle n’avait pas d’autre asile. Elle tourna dans une rue, à droite. Elle marchait, elle marchait. Tout s’était effacé de son esprit, — même Sophor ; elle ne pensait qu’à un lit, où elle s’étendrait, déshabillée, où elle aurait chaud. « Oui, mais monter la rue de Clichy, est-ce que je pourrai ? » Elle se soutenait à peine, marchait toujours. Comme elle longeait la balustrade qui enclôt le square devant l’église de la Trinité, elle entendit un bruit de pas derrière elle, tourna la tête, d’un instinct, vit un homme, coiffé d’un chapeau haut de forme, le collet du pardessus relevé jusqu’aux oreilles ; il faisait signe au cocher