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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/392

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MÉPHISTOPHÉLA

Cependant, Magalo, très lentement, rouvrait les yeux. Le regard sur Sophor, elle rêva longtemps. Plus de sourire aux lèvres, ni de douceur dans les yeux. En même temps elle ne gémissait plus, ne paraissait plus souffrir. C’était comme si tout ce qui lui restait de force vitale s’employait en une pensée solennelle. Oui, à cette minute, sous l’ombre de l’aile invisible qu’ouvre sur nous la mort, cette pauvre petite créature se revêtait toute d’une gravité mystérieuse, d’une étrange pompe. Sophor ne put s’empêcher de baisser les yeux, avec religion. La moribonde dit, d’une voix sourde, presque éteinte, comme lointaine :

— Écoute-moi bien. C’est fini, je vais m’en aller pour toujours. Tu te lèves ? tu veux envoyer chercher un prêtre ? non, reste. Je n’oserais pas me confesser. C’est trop vilain, ce que j’aurais à raconter. Le bon Dieu s’offenserait de l’entendre. Est-ce que tu crois qu’il y a un Dieu, toi ? J’allais à l’église quand j’étais petite. J’aurais dû mourir, après ma première communion, être enterrée dans ma robe blanche. Mais ce n’est pas de moi qu’il s’agit. S’il y a un enfer, j’irai en enfer, voilà tout ; je l’ai bien mérité, et qu’est-ce que cela fait ? une fille comme moi, ça n’a plus d’importance quand c’est mort que quand c’est